Juin 2021

Wim Straetmans

Réfléchi et Convaincu

La conviction que l'architecture et la structure se renforcent mutuellement a amené Wim Straetmans là où il est aujourd'hui.

Quelle est ta fonction actuelle ?

Aujourd’hui, je suis administrateur délégué de Kairos – le promoteur immobilier de Bam Belgique – et je suis également administrateur de Bam Interbuild. Kairos, Bam Interbuild et Bam FM forment ensemble Bam Construction & Développement Belgique.

Nous essayons de considérer le développement, la construction et la maintenance des bâtiments comme faisant partie d’un tout.

Quelle formation as-tu reçue et pourquoi as-tu choisi de faire ce métier ?

J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur-architecte en 1999 à la KUL, mais je n’ai jamais fait mes stages en architecture. Depuis que j’ai commencé mes études, mon ambition a toujours été d’avoir une vision globale sur les choses.

Depuis tout petit déjà mon intérêt était d’inventer, de construire et de jouer avec mes legos. Je pense que c’est toujours le cas (rire).

J’ai trouvé mes cours d’architecture trop limités. Le programme en ingénierie était également trop peu axé sur la création et l’invention. J’ai toujours été passionné par les projets où l’architecture et la structure se renforcent mutuellement. J’appelle cela la conception intégrée. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de devenir architecte et ensuite de travailler pour un développeur au sein d’une entreprise de construction.

Avais-tu déjà une idée précise de ce que tu voulais faire pendant tes études ?

Non, les choses ont évolué naturellement. Ce que je sais, c’est que mon intérêt intrinsèque pour l’ensemble du processus de construction a toujours été présent et a toujours influencé mes choix de carrière.

J’ai besoin de comprendre ce que je fais afin d’évoluer et d’aller plus loin.

Que ressens-tu à l’idée d’occuper un poste de direction ?

Je n’ai jamais eu envie de devenir CEO. Le fait que tu disposes d’une certaine autorité te permet d’avoir plus de ressources pour faire les choses à ta manière et pour appuyer sur les boutons. Mais si tu cherches à tout prix à être le boss, cela n’a selon moi pas beaucoup de sens. Ce n’est pas le titre qui a de l’importance mais la connaissance du métier.

Comment as-tu évolué au cours de ton parcours pour arriver là où tu en es aujourd’hui ?

J’ai commencé ma carrière dans une entreprise de construction. J’avais besoin de comprendre comment on construit les choses, comment on les conçoit pour pouvoir évoluer. Littéralement, j’avais envie de mettre mes bottes de chantier. J’ai énormément appris durant cette expérience mais la pure exécution n’était pas quelque chose pour moi. J’avais besoin de créer et partager ma propre vision.

J’ai tout de même travaillé pendant 7 ans chez Strabag. Au début, je ne construisais que des stations-service, ce qui honnêtement n’était pas très intéressant. On en a tout de même construit 30 en deux ans ! Grâce à la récurrence de ce processus de construction du même type de projet, j’ai appris énormément de choses.

Comment commencer un projet, comment l’aborder et comment le terminer. J’ai également eu la chance d’être le bras droit d’un professionnel expérimenté que je considérais comme un véritable mentor. Nous faisions le même travail tous les jours et il me laissait de la place tout en me contrôlant.

J’ai appris à travailler là-bas et j’ai acquis beaucoup de connaissances en techniques spéciales. Ce sont des domaines dans lesquels beaucoup de gens ont une mentalité de « boîte noire ». Dans le cadre des stations-service, j’ai appris à comprendre cela en détail.

Après cette expérience, j’ai encore travaillé pendant cinq années en tant qu’assistant chef de projet chez Strabag. Je faisais partie d’une sorte de « pool central » de l’entreprise en Belgique. Il s’agissait d’une sorte de « club » au cas où quelqu’un était malade ou si de gros problèmes se manifestaient. En tant qu’assistant chef de projet, puis chef de projet, l’idée était que je puisse apporter mon soutien, mais il était souvent déjà trop tard, car les personnes concernées avaient abandonné ou quitté l’entreprise.

Ensuite, en tant que jeune, je me suis demandé comment cela se passait dans une autre entreprise. J’étais ouvert à de nouvelles opportunités.

Après 7 ans chez Strabag, j’ai été contacté pour un poste en immobilier chez BAM. Ils mettaient bien l’accent sur l’aspect global du projet (développement et construction), ce qui me correspondait parfaitement.

J’ai donc commencé chez IMMO BAM, la branche immobilière de BAM à Bruxelles. Une semaine après avoir commencé, la personne qui m’avait embauchée a annoncé qu’elle partait. Un autre collègue a suivi. Je me suis retrouvé avec un budget de 140 millions d’euros à gérer, une équipe de direction réduite à moi-même et une secrétaire. J’ai rapidement dû engager pour reconstruire une équipe. Ça a été un travail difficile mais très enthousiasmant.

Comment perçois-tu le secteur aujourd’hui ?

Le domaine s’est élargi. Ces dernières années, les spécialisations se sont multipliées, chacune ayant ses propres règles.

En Belgique, la réglementation est également très prescriptive. Si tu t’y conformes, tout va bien. Dans les pays voisins, on fait beaucoup plus attention à l’efficience finale. Par exemple, il y a quelques paramètres de conception et si vous pouvez démontrer avec ces paramètres que par exemple la température dans votre bâtiment ne dépasse jamais une certaine valeur, c’est bon. Alors qu’en Belgique, on dit :  » On ne va pas que regarder la température, mais il y a pleins de paramètres détaillés à suivre, comme : une certaine résistance au feu, l’épaisseur de béton nécessaire, … « .

As-tu eu des revers dans ton travail ?

Pas directement, mais j’ai toujours rencontré des situations stressantes au cours de ma carrière. Ce ne sont pas vraiment des revers, mais de ces situations ont découlé des décisions. C’est pourquoi je vis chaque jour comme un défi.

De quoi es-tu fier dans votre carrière ?

Quand tu arrives dans une nouvelle entreprise – comme ça a été le cas chez IMMOBAM – où tout le monde part et que tu dois reconstruire une nouvelle équipe pour affronter et résoudre les problèmes. Après coup, je suis très fier de ça. Il y a aussi des projets dont je suis très fier.

Vois-tu une grande différence entre les gens de ta génération et les nouveaux ?

Je pense que la patience et le respect de la jeune génération sont peut-être parfois trop peu élevés. Ils mettent souvent l’accent sur leur carrière pour la carrière et sur l’argent pour l’argent. L’ambition est primordiale mais elle doit être selon moi en accord avec ses propres progrès et ses compétences. 45 ans de carrière c’est long. Si tu progresses chaque année de 10%, c’est déjà pas mal, mais pour certains d’entre eux ça ne semble pas suffisant.

Dans notre profession, le cycle d’un projet dure minimum 3 ans : de la préparation à la livraison. Dans ce cycle, on peut se heurter des centaines de fois à un mur mais, fort de ces expériences, en passant au projet suivant, on devient meilleur. Il y a certainement des exceptions, mais dans notre secteur, je constate que les compétences moyennes diminuent et cela mérite réflexion. Le nombre et le type d’erreurs commises par les entrepreneurs, mais aussi par d’autres parties, sont inquiétants.

Au cours de ta carrière, as-tu rencontré des personnes qui t’ont marqué ?

Oui évidemment ! Plusieurs personnes m’ont inspiré.

Au début de ma carrière chez Strabag, j’ai travaillé en étroite collaboration avec Ivo Wijns, le chef de projet de 58 ans avec qui j’ai suivi les stations-service. C’était quelqu’un de très passionné. Il était fort techniquement et avait aussi de solides compétences psychologiques. Il défendait l’idée d’un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée. Il était loyal et sportif.  Je n’ai plus jamais rencontré quelqu’un comme lui. Il était exceptionnel et j’ai beaucoup appris de lui.

Quand j’ai commencé chez BAM, j’ai été engagé par Paul Depreter (administrateur et directeur général de CEI De Meyer). C’était quelqu’un d’entier. Il m’a appris à être plus souple et à me mettre à la place de mes clients pour mieux les comprendre.

Pour finir, je pense à Marc Peeters (qui a quitté BAM l’année dernière). Il avait une capacité exceptionnelle à deviner ce que les gens pensaient. Je retiens de lui l’importance d’être un caméléon : « On ne change pas, mais on s’adapte ».

As-tu dû faire des sacrifices pour en arriver là ?

Oui, absolument : ça a été de l’investissement en temps, en moi-même, mais aussi dans l’entreprise. Si ces investissements ne concernent que ton travail, alors je qualifie cela de sacrifice. J’ai toujours travaillé dur, j’en ai beaucoup appris et cela me donne beaucoup de satisfaction.

À la maison, on a discuté de certaines étapes de ma carrière, ma femme sait (mieux que moi même) que je suis ce que je suis. Cela signifie que s’il y a un défi pour moi, je ne l’évite pas.

J’ai adoré jouer au football. Quand j’ai eu 18 ans, j’ai entraîné une équipe de jeunes pendant quelques années. J’adorerais refaire ce genre de choses ou faire quelque chose de musical, mais malheureusement cela ne fait plus partie de mon emploi du temps depuis longtemps.

Comment te vois-tu évoluer ?

Je suis chez BAM depuis 13 ans et j’ai connu une belle évolution durant cette période.

Je n’ai pas d’ambition précise pour l’instant, mais ce que j’aimerais, c’est que le développement, la construction et la maintenance des bâtiments se fassent dans des situations moins stressantes.

Les moments d’introspection sont également très importants. Si vous prenez le temps de réfléchir et que vous décidez qu’il est important d’agir, alors il faut se lancer sans toujours avoir en tête qu’il vous faut quelque chose en plus.

Quels conseils donnerais-tu à un ingénieur-architecte qui souhaite devenir directeur d’une société immobilière ?

Comme je l’ai dit précédemment, l’ambition ne doit pas être de devenir directeur. Surtout si tu ne connais pas assez bien ton propre métier et d’autant plus dans une entreprise d’une vingtaine de personnes comme Kairos qui a un mode de fonctionnement horizontal. Je conseillerais d’apprendre son métier et de progresser au lieu d’aspirer à un poste de management sans connaître le métier.

L’ambition doit être le désir de bien faire son boulot et d’y travailler. Si ça marche, cela viendra naturellement et tu évolueras dans la direction que tu voudras prendre.

Autre point important : si tu veux apprendre ton métier d’une bonne manière, si tu veux le faire efficacement, tu dois connaître la limite de tes connaissances. J’utilise souvent la comparaison avec un porte-manteau. Si tu as un porte-manteau, tu peux y accrocher des éléments. Au bout d’un certain temps, tu auras une vue d’ensemble et tous ces éléments réunis deviendront des connaissances. Si tu dis dès le premier jour : « Les techniques spéciales telles que l’HVAC, l’électricité, la basse tension, la détection incendies, etc. ça ne m’intéresse pas, alors tu ne sauras rien de la profession dans son ensemble. Si tu as un problème dans le domaine de la construction, mais que tu te coupes d’une discipline, la solution peut rester introuvable. Toutes ces branches sont reliées entre elles et forment un ensemble qui fonctionne.

De ces connaissances découleront une certaine paix et une confiance qui te permettront de faire la différence dans des affaires complexes et d’aider tes collègues. Il est alors plus facile d’obtenir que les personnes t’accordent des choses. Vouloir absolument obtenir quelque chose de quelqu’un qui ne le veut pas est soit impossible, soit très difficile. Ce n’est pas une science exacte, mais si tu es bon et que tu n’es pas paresseux, les choses viendront naturellement et ceux qui t’entourent t’apprécieront pour ça.

Qu’est-ce qui te semble le plus intéressant dans ton travail ?

Mon métier est un savant mélange de création, de construction et d’utilisation du bâtiment, le tout entremêlé par de nombreux domaines d’expertise. Ce qui en fait un travail très varié.

Le virus de la construction est une aubaine car il permet de nombreuses connexions entre professionnels passionnés qui, ensemble, donnent tout pour réussir. C’est ce travail d’équipe qui est nécessaire car ce n’est certainement pas une profession facile.

Quel type de manager es-tu ?

Je ne pense pas avoir un type de management spécifique. J’utilise toutes sortes de styles selon les situations (participatif, coaching, directif,…). Je pense également que des mots comme réaliste, optimiste, hands-on et orienté vers le consensus sont également appropriés.

Pour conclure, quel est ton plus grand défi personnel à l’heure actuelle ?

Sans aucun doute les réorganisations internes au sein de BAM dû à l’impact sans précédent du Covid-19…

Interview réalisée par  Archibald
Merci à Wim Straetmans & Kairos

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