Novembre 2020

Thierry Collard

Curiosité et Persévérance

C'est avec beaucoup de pudeur que Thierry Collard, Directeur Immobilier d’Eiffage Benelux, Administrateur Exécutif de Perrard Development (L), Administrateur Délégué d’Eiffage Développement et d’Eiffage Development Vlaanderen (B), Administrateur de l’Union Professionnelle du Secteur de l’Immobilier, Amateur de Hockey sur Gazon et Heureux Sponsor des Equipes Nationales en ProLeague, nous livre l'évolution exceptionnelle de son parcours vers les plus hautes fonctions du secteur de l'immobilier.

En quoi consiste ta fonction de Directeur Immobilier ?

Globalement, c’est assurer la responsabilité de l’activité de promotion immobilière du groupe Eiffage pour la Belgique et le Luxembourg. En incluant l’exercice du mandat d’administrateur délégué des différentes filiales actives en la matière. Ma fonction vise l’organisation générale et elle est très large et variée.

Plus précisément, le contenu de la fonction dépend des périodes.

Il y a des moments qui sont davantage orientés sur la stratégie globale : réfléchir sur la nature des produits, sur l’évolution du marché, sur comment anticiper les besoins, les règlementations et les usages.

D’autres moments sont purement dédiés à la gestion des ressources humaines : veiller à ce que l’organisation fonctionne, que chacun comprenne le sens de sa fonction et soit moteur en s’investissant en tant que force de proposition et d’innovation au sein de l’entreprise.

Ensuite, la dernière partie est dédiée à éteindre les incendies, ce qui équivaut à me rendre disponible pour les urgences qu’elles soient opérationnelles, financières, administratives ou juridiques.

Quand tu as signé pour cette fonction, savais-tu exactement ce qui t’attendait ?

En ce qui concerne le contenu de la fonction et l’ampleur de la tâche, oui je m’y attendais. Elle n’est pas fort différente de celle que j’avais eu l’occasion d’exercer au sein de Dexia et Belfius. C’était un souhait de ma part de quitter le monde de la finance pour celui de l’entreprise ; cela m’a permis de renouer avec une approche plus concrète, plus opérationnelle.

Par contre, au niveau RH, j’ai sous-estimé l’impact que pouvait représenter mon arrivée sur le quotidien de mes nouveaux collègues. Après une période de prise de fonction et d’analyse du fonctionnement global, j’ai entamé une adaptation des structures afin d’implémenter une organisation scindant le montage du suivi des opérations là où, historiquement, l’approche était une personne pour un projet.
Ce que je voyais comme une évolution a été vécu par certains comme une réelle réorganisation suscitant nombre d’inquiétudes…

En quoi ton activité aujourd’hui te convient-elle ?

Avant tout parce que la nouvelle structure est devenue fédératrice et elle a donné un second souffle aux aspirations individuelles de chaque collaborateur mais aussi parce qu’elle a recréé une réelle dynamique de groupe. J’ai la conviction que chacun donne le meilleur de soi pour faire grandir le groupe et c’est très valorisant à titre personnel de voir la dynamique vertueuse qui en résulte.

Revenant sur la finalité de mon métier, et en comparaison avec l’architecture, ce qui est passionnant c’est de ne pas s’arrêter à la satisfaction de la photo de l’ouvrage réalisé. Dans mon métier, la chose la plus importante est de faire vivre l’immobilier, de perdre le contrôle une fois bâti et de voir que l’ouvrage approprié par ses habitants initie sa propre dynamique. Voir comment les lieux que nous créons vivent… c’est vraiment quelque chose qui m’anime. C’est ce qui fait le côté passionnant de l’immobilier (sourire).

Quelle est ta formation et ton parcours professionnel ?

J’ai une formation d’architecte à La Cambre intégrant une année d’Erasmus en Angleterre. Durant mes études, je suis toujours resté pragmatique et j’ai eu l’occasion de monter une société qui fabriquait des portes blindées… L’occasion de confronter théorie et pratique.

A la fin de mes études, j’ai réalisé mon stage chez Samyn and Partners. Très vite, je me suis rendu compte que la vraie emprise sur l’avenir dépendait moins de la qualité de la conception architecturale que de l’intention du maître de l’ouvrage. C’est pourquoi j’ai complété ma formation par un Diplôme en Etudes Spécialisées en Gestion à Solvay avec l’intention de passer de l’autre côté de la barrière.

J’ai, par la suite, eu quelques expériences moins concluantes dans la consultance et la gestion de projet pour finalement arriver chez Dexia Real Estate Banking dans un rôle de contrôle de gestion. J’ai été rapidement impliqué en amont des projets immobiliers pour devenir Head of Real Estate Developments avant d’endosser la responsabilité complémentaire de l’investissement. Head of RE(a)DI était un acronyme qui me plaisait assez.

Certains disent qu’il faut saisir la chance. Pour ma part, je pense qu’il faut la provoquer et puis oser la saisir.

Comment as-tu réussi à être nommé dans une structure comme Dexia ?

Tout d’abord, je crois qu’il y avait un contexte qui était favorable et ma double formation a été clairement un gros avantage ; il m’était aisé de traduire business plan en plans d’exécution et inversement.

Il y avait énormément de projets et il a été rapidement nécessaire de refondre une équipe à partir des différentes entités actives en promotion immobilière qui ont fusionnées pour devenir Deximmo SA doté de septante-huit millions de fonds propres.

À cette époque, dans les organismes comme Dexia, il y avait également une volonté de retenir les hauts potentiels en leur donnant des responsabilités et des formations de premier plan. j’étais assez en phase avec le management, je travaillais beaucoup sur des projections à 27 ans à partir de zéro… juste par curiosité intellectuelle (sourire). Je ne peux pas vraiment expliquer comment j’ai réussi à tracer ma voie car je ne l’avais pas vraiment anticipée. C’était probablement aussi une question de momentum.

Ce qui est important ce n’est pas d’incarner la fonction que l’on exerce mais d’incarner la fonction qui nous correspond et qu’on aspire occuper à terme.

On voit tout de suite entre 2 stagiaires celui qui a les aptitudes et l’envie d’aller plus loin. je vois parfois des gens en interview qui n’ont pas forcément le profil que je recherche, qui peuvent être moins compétents sur papier, mais in fine c’est la personnalité qui va faire la différence. La fierté de faire les choses de manière correcte, incarner leurs projets : c’est ce qui fait la différence pour moi.

En débutant tes études initiales, avais-tu déjà une vue précise de ce que tu voulais faire ?

Oui et non. J’avais une vision très claire de ce que je ne voulais pas. En terme d’échelle de projet par exemple. Ce n’est d’ailleurs pas anodin d’avoir travaillé pour Philippe Samyn et d’être passé chef de projet avant la fin de mon stage. Je savais que je voulais faire des choses qui avaient un impact. Mais de là à savoir lequel … Je n’ai pas vraiment eu de plan de carrière et je ne suis pas certain d’en avoir un aujourd’hui !

Ce qui guide ma carrière, c’est ma curiosité. C’est cette curiosité qui fait que je ne lâche pas le morceau et que je ne compte pas mes heures.

Si c’était à refaire, il y a des choses que tu referais autrement ?

Non, je ne suis pas du style à avoir des regrets.

Mais si je devais refaire quelque chose, je laisserais peut-être plus de place à mon intuition.

De quoi es-tu le plus fier dans ton parcours ?

J’ai du mal à parler de parcours quand je sais que j’ai encore une carrière devant moi qui sera certainement plus longue que celle réalisée jusqu’à ce jour. Ayons la modestie d’attendre la fin pour en dresser un bilan.

Pour l’instant, je retiens cette fierté-là : faire grandir les gens qui travaillent avec moi, que ce soit dans leur propre fonction ou à travers leurs propres aspirations personnelles.

Quand on fait le constat qu’un collaborateur n’est pas heureux dans une structure et que je ne pourrai pas lui donner le cadre dans lequel il pourra pleinement s’épanouir, j’ai la faiblesse de croire que l’interaction que nous avons pu avoir ensemble lui aura permis à tout le moins de continuer à évoluer ailleurs par la suite. Je trouve ça très valorisant. C’est aussi le cas pour nos stagiaires et VIE que nous intégrons fréquemment dans notre structure, c’est un réel plaisir de les voir évoluer en endossant d’autres responsabilités plus lourdes par ailleurs dans un groupe comme Eiffage.

J’aime combiner librement les citations de Jack Welch et de Richard Branson : « il est inutile de vous enraciner pour grandir ; je vais vous donner les moyens de partir mais l’envie de rester ».

Constates-tu une grande différence entre les profils de ta génération et les nouvelles que tu vois arriver sur le marché ?

La grosse différence vient surtout de la place à réserver au travail.

Les conseils que j’ai moi-même entendus ne sont pas les mêmes que ceux je pourrais donner aux plus jeunes.

Il fût un temps où on nous apprenait qu’il fallait travailler dur et profiter ensuite. Alors qu’aujourd’hui, il est bien plus important de trouver une balance permettant un certain retour à court terme…

C’est la grande différence entre le work hard et le work smart. Et c’est de la responsabilité d’un employeur que de favoriser l’émergence de cette deuxième tendance.

Si tu avais un conseil à donner aux jeunes qui rêvent d’une fonction comme la tienne, quel serait-il ?

Avant tout de laisser de la place à ses rêves et à leurs évolutions puis de ne jamais arrêtez d’y croire. Au quotidien, il y a toutes les bonnes raisons d’abandonner et je ne suis pas certain qu’aujourd’hui on rêve d’une carrière ou d’une fonction comme cela a pu être le cas à une autre époque. Atteindre une fonction a selon moi peu d’importance en comparaison avec le fait d’être en phase avec ses aspirations et de les faire évoluer.

Mon deuxième conseil serait de veiller au fil rouge de son CV. Il n’y a pas plus beau projet que de pouvoir grandir avec une structure et de la faire grandir à son tour. C’est hyper épanouissant et il faut choisir consciemment son cadre de développement professionnel.
Le fil rouge c’est ça : veiller à la cohérence et la consistance de son parcours. C’est tirer une certaine fierté de ce qu’on fait au quotidien tout en ayant un avis critique sur ce qu’on aurait pu mieux faire. C’est regarder comment évolue l’entreprise dans laquelle on travaille, contribuer à son développement est rester passionné. C’est aussi oser faire le choix d’une fonction qui est cohérente en tant qu’étape intermédiaire pour atteindre son objectif final sans y être directement liée. C’est enfin faire le choix de valoriser toutes ces expériences sans mettre d’échelle entre ce qui est plus prestigieux et ce qui l’est moins.

Entretien mené par Archibald
Remerciements à Thierry Collard & Eiffage

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