Mai 2021

Paul Stasse

Chaleureux et Curieux

Se laisser guider par sa curiosité et mettre le relationnel au coeur de ses interactions professionnelles sont autant de valeurs qui ont aiguillé le parcours de Paul Stasse, Partner chez ACMG.

Peux-tu me décrire ta fonction actuelle et en quoi elle consiste ?

Je suis associé chez ACMG où nous faisons de l’assistance à maitre d’ouvrage.

En plus de la gestion de projet de certains de nos clients, mon rôle principal au sein de l’entreprise est le business développement, le marketing et la communication.

Quelles sont les formations que tu as suivies ?

J’ai un parcours particulier puisque j’ai d’abord réalisé mes études secondaires dans le système anglo-saxon (en Grèce et en Belgique) pour ensuite revenir dans le système belge dès l’entrée à l’université. Être confronté à ces modèles très différents voire opposés a clairement aiguillé ma carrière.

J’ai tout d’abord commencé en science-éco. J’ai fait fausse route et ça m’a été bien salutaire pour identifier ce qui me convenait le mieux pour la suite.  J’ai compris qu’il fallait que je mette rapidement en pratique ce que j’apprenais. J’ai donc entamé l’Architecture à Victor Horta (ULB). C’était rapidement très concret : on faisait des projets, des dessins, des maquettes… Pour l’anecdote, dès la première année, on est partis à la mer faire des châteaux de sable (rire). C’était assez malin parce qu’on a dû faire des châteaux avec d’autres personnes qu’on ne connaissait pas. Chacun avec une optique différente. Ça nous a permis de créer des liens très forts, très vite. J’ai encore des amis de l’époque avec qui j’ai fait ce fameux château.

Quelques années plus tard, après mes débuts professionnels, j’ai suivi le 3ème cycle immobilier à Solvay, avec pour objectif de me mettre dans la peau de mes clients. Travaillant sur des gros projets, j’ai eu besoin de comprendre comment fonctionnait le business derrière. Cette formation m’a permis de construire entre autres un carnet d’adresse belge puisque j’avais travaillé essentiellement à l’étranger et de tisser des amitiés que j’ai encore aujourd’hui.

Avais-tu déjà une vue précise de ce que tu voulais faire ?

En sortant de mes études d’architecture, je rêvais de travailler sur des projets d’envergure et emblématique, sans bien connaître le secteur immobilier à ce moment-là.

Ce sont les relations professionnelles que je me suis faites tout au long de mes expériences qui ont orienté mon parcours.

Comment décrirais-tu ton parcours ?

J’ai un parcours atypique. Je suis quelqu’un qui fonctionne par projet, par passion et surtout dans le contact avec les personnes avec qui je suis dans le moment donné. J’identifie une opportunité, un projet, je crée des liens et quand il y un courant qui passe et que l’envie de faire des choses ensemble est partagée, je me lance. C’est comme ça que ma vie s’est aiguillée.

C’est certainement mon éducation anglo-saxonne qui m’a permis de ne pas rester sur des rails tous tracés. Très jeune, j’ai été catapulté à Athènes, mes parents sont partis en Afrique… J’ai ensuite travaillé aux Etats-Unis, en Angleterre, en Russie, en Suède et en France… C’est grâce à ça que mon champ de vision s’est agrandi. Puisque je suis hyper curieux de nature, je pars, je vagabonde et quand ça m’intéresse, je reste, je m’accroche et je continue. Tant que c’est un projet qui m’anime, je continue à le faire bouger.

Face à l’échec, je pense que c’est cette agilité qui m’a permis de rebondir. J’ai pu voir qu’il y avait d’autres aiguillages et que la vie ne s’arrête pas là. Il y a tellement de champs possibles. C’est fantastique !

As-tu connu des échecs dans ton parcours et quelles sont les leçons que tu en as tirées ?

J’ai vécu une association qui a été un enfer. Je me suis associé pour créer un bureau de coworking avec l’ambition d’accélérer les startups. On a travaillé d’arrache-pied pendant un an ½ pour monter le projet, faire des levées des fonds, faire entrer des actionnaires, trouver un lieu… On a fini par ouvrir ce lieu, en grande pompe. On étaient super fiers. Mais tout a rapidement basculé quand on a découvert qu’un de nos associés, CFO, avait faussé l’image et détourné les fonds. Il n’y avait plus rien. Cela a engendré une perte de confiance de l’équipe, des actionnaires et une perte de crédibilité complète sur le marché. La catastrophe. On a été obligés de faire aveu de faillite. J’ai pris une grosse claque. Tout s’est arrêté net : mon projet, mes perspectives, mes économies, mes revenus… Heureusement, ce projet existe encore tel que nous l’avions rêvé.

A la suite de ça, j’ai eu une perte de confiance énorme dans les autres. Je ne suis pas quelqu’un qui entreprend seul donc si les autres, sur lesquels je m’appuie, s’avèrent être des ennemis, le monde s’écroule sous mes pieds. Heureusement, j’ai été coaché à cette époque et mon entourage proche était présent. J’ai refait le point sur mes compétences et il n’y avait plus qu’à recommencer…

C’est grâce aux relations que j’ai construites tout au long de ma vie, que j’ai eu la chance de retomber par hasard sur deux anciens collègues qui m’ont proposé de bosser avec eux. Ça m’a fait beaucoup de bien car je travaillais avec des gens que je connaissais et en qui j’avais confiance. De plus, j’étais dans un environnement de restructuration d’une boite qui avait fait faillite. Cela m’a permis de voir que les faillites existaient, que l’échec était possible et que rebondir l’était tout autant. Et enfin, le secteur dans lequel on travaillait, les aménagements de musées à l’international, était un secteur hors du temps. Dans la culture, il n’y a pas de logique financière. La logique est l’art et non la marge. Ça m’a passionné et c’était important pour moi de retrouver ces valeurs-là. Ça m’a redonné goût et ça m’a redonné envie de mûrir un autre projet plus local, car les voyages cela devenaient pesant.

C’est là que l’histoire de ACMG a émergé. J’ai recroisé Daniel Hoornaert (que j’avais rencontré lors de mon stage au Botswana) dans le cadre d’un appel d’offres. Il était déjà associé avec Eric Doye. Ils venaient de se séparer d’un autre associé et en discutant, on s’est rapidement rendu compte qu’on était très complémentaire : moi, en amont et eux, plus loin dans le cycle du projet. On a passé énormément de temps sur l’humain pour s’assurer qu’il y avait bien un fit professionnel et personnel. On ne voulait pas refaire les mêmes erreurs. On a décidé de faire un an d’essai et cela fait maintenant 3 ans que je suis associé chez ACMG.

Y a-t-il des personnes clés qui ont jalonné ton parcours ?

Il y a Pierre Lallemand qui a été et reste un mentor. Humainement, c’est quelqu’un de très chaleureux. En plus d’être un de mes profs, j’ai collaboré plusieurs années avec lui, notamment sur le Berlaymont 2000 et Art&Build, ce qui nous a permis de créer des liens. C’est quelqu’un qui m’a énormément aidé et qui a été très soutenant lors de la faillite que j’ai connue. Il a toujours jalonné mes choix professionnels, même encore aujourd’hui. Ce qui est chouette, c’est que c’est réciproque.

Il y a également mon premier maître de stage, au Botswana, Steward Morisson, un architecte écossais. Un personnage emblématique qui piquait des colères mais qui avait le cœur sur la main. Il m’a tout appris comme architecte.

Et enfin Ronald Altoon (ancien partner d’Altoon&Porter) avec qui j’ai encore beaucoup de relation aujourd’hui. J’ai travaillé 9 ans avec lui. Personnage reconnu à l’international, ancien président de l’Ordre des Architectes Américain, et a un parcours de vie incroyable. Il est parti de rien et s’est construit tout seul. Il a une énergie impressionnante. Toujours de bonne humeur, passionné et très pédagogue.

Quel type de manager es-tu ?

C’est important pour moi de créer une relation de confiance et d’échange avec l’équipe.

Je n’aime pas travailler seul donc je crois très fort en l’intelligence collective.

J’espère donner à mes collaborateurs le pouvoir de s’exprimer et de débattre pour les amener à co-construire avec moi.

Quelles sont les valeurs qui t’accompagnent dans ton quotidien ?

La confiance, l’honnêteté et la transparence. J’instaure cela très vite avec mes collaborateurs mais aussi avec mes clients. S’il y a rupture de confiance et divergences de valeurs dans ce que l’un et l’autre ont à s’apporter, il n’y plus lieu de collaborer ensemble.

Qu’est-ce qui te passionne le plus dans ton métier ?

Les projets sur lesquels je travaille. Ce qui est passionnant c’est d’avoir une position centrale dans ces projets, au cœur de l’ensemble des consultants (ingénieur, architecte, architecte d’intérieur, consultant en certification, etc.) et de les amener à un objectif commun.

L’aspect humain est à nouveau primordial. Il est important de respecter les points de vue ou la grille de lecture des uns et des autres. A un moment donné, l’un n’est pas forcément contre l’autre ou l’un n’a pas forcément raison sur l’autre. Si on travaille en bonne intelligence, le produit en sera d’autant mieux. Je trouve qu’on a la possibilité de créer des choses fantastiques. J’aime bien aller challenger les projets pour en faire des projets un peu plus emblématiques que de la simple promotion de base. On laisse des choses qui vont rester là pendant 30 ans et j’ai envie d’en être fier chaque fois que je passe devant. Même sur des projets dont je ne suis pas spécialement fier, les expériences professionnelles et humaines que j’en ai tirées ont toujours été passionnantes.

De quoi es-tu le plus fier dans ton parcours ?

De toujours avoir osé me lancer dans un projet par passion et par opportunité sans trop me poser de questions. J’ai la chance d’avoir une femme qui m’a toujours soutenu et qui m’a donné la liberté d’oser. C’est fantastique.

Je suis fier d’avoir créé des relations qui vont au-delà de la simple relation professionnelle.

Toutes les personnes avec qui j’ai travaillé, je suis heureux de les revoir. Ma fierté est de me dire que, par la création de lien humain, je peux toujours aller rechercher des gens pour faire de nouveaux projets ou reconstruire quelque chose. C’est cela ma conception de la vie.

Qu’est-ce qui te déplait le plus dans le métier ?

Voir des gens qui font leur boulot sans ambition ou sans enthousiasme.

« Go the extra mile » signifie faire le pas supplémentaire pour apporter la petite différence. Même s’il est évident que nous sommes contraints à une certaine rentabilité, passer une heure de plus pour ouvrir le champ des discussions et améliorer le projet doit se faire avec élan et enthousiasme.

Nous avons la chance de travailler sur des projets emblématiques, comme la tour Louise par exemple, pour lequel nous avons tous notre patte à apporter, visible ou invisible. Nous pouvons tous apporter une petite différence qui fait qu’un moment donné le projet sera « waw ». Ça ne m’amuse pas de travailler sur des projets copier/coller à outrance comme ça a pu être le cas dans certains projet « retail » par exemple. Ça enlève l’expérience, il n’y a plus d’émotion ! Moi ça ne m’amuse pas.

Donc un manque d’enthousiasme ou d’ambition dans la façon d’aborder les projets me déplaît beaucoup.

Comment vois-tu l’évolution de ton métier et du secteur ?

Je pense qu’on va devoir revenir à quelque chose de plus ancré localement.

Dans le monde du retail dans lequel j’ai travaillé, il y avait une logique d’expansion permanente. Les chaînes internationales s’installaient dans tous les villes. C’était du copy/paste à outrance. La conséquence est que ça a contribué à tuer le commerce local, les chaînes internationales ayant pris le dessus. Je pense qu’aujourd’hui, parce que nous allons voyager et travailler différemment, parce que la logique du télétravail s’est répandue, parce que la mobilité va devoir être revue, ces grosses enseignes vont devoir abandonner ces espaces et cela donnera l’opportunité aux locaux de les reprendre et de les réinvestir. Y en va de même pour le secteur du bureau qui a accéléré sa mutation cette année. Je suis plutôt optimiste. Il y a tout à réinventer, optimiser et adapter aux défis de demain. Cette relance passera par la construction et l’immobilier.

J’aimerais continuer à exercer mon métier en véhiculant ces valeurs-là et conseiller mes clients dans ce sens-là : revenir à un immobilier local et responsable.

Constates-tu une grande différence entre les profils de ta génération et les nouvelles que tu vois arriver sur le marché ?

Les jeunes d’aujourd’hui savent beaucoup plus ce qu’ils veulent. Ils disent clairement ce qu’ils ont envie de faire ou ne pas faire et parlent de valeurs. Celles-ci sont intégrées, ils les mettent en avant et les assument haut et fort. Par le passé, on attendait surtout d’un candidat qu’il présente ses diplômes, son book pour lui demander ensuite de s’insérer dans l’esprit du bureau. Aujourd’hui, ce n’est plus la même chose. La conséquence de ce changement en tant qu’employeur est qu’on doit trouver un langage qui leur parle, travailler également sur nos valeurs pour qu’ils se sentent investis et être adaptatifs pour leur permettre de nourrir leur parcours personnel. C’est pour moi la grosse différence.

Si tu avais un conseil à donner aux jeunes qui débutent dans ce métier, quel serait-il ?

De ne pas oublier qu’un parcours professionnel, c’est avant tout des relations humaines. Le monde de l’immobilier est petit, même à l’international. La roue tourne et tu ne sais pas pourquoi, mais un jour tu vas recroiser des gens qui vont t’offrir de nouvelles opportunités.

Chez ACMG, on lance rapidement les jeunes sur le terrain pour leur permettre d’être en contact direct avec nos clients. On veut leur permettre de voir la réalité du terrain et de voir dans quel milieu ils évoluent. On veut leur permettre d’être polyvalents dans le métier que l’on exerce.

Ma dernière suggestion est d’être curieux. Ne pas rester statique et faire la même chose pendant 10 ans sans évoluer. Sortir de sa zone de confort. C’est dans l’inconfort qu’on apprend le plus.

En guise de conclusion, quel est ton grand challenge professionnel ?

Mon challenge professionnel est d’arriver dans 10 ans avec un regard fier du parcours que j’ai eu avec Daniel et Eric, et transmettre ce que l’on a créé à d’autres personnes. On recherche et on engage des gens qui veulent nous rejoindre dans cette logique-là. On veut leur donner l’opportunité de reprendre les manettes. Pas dans une logique purement financière mais de pérennité. J’aimerais avoir la fierté de voir que ce que j’ai construit continue, s’améliore et de me dire que j’étais là au démarrage et que j’ai participé à cette évolution.

Aujourd’hui nous avons tout en main pour transformer l’essai. Sans ambition de devenir la plus grande boite de PM de Belgique mais plutôt de faire des projets intéressants avec des gens intéressants. C’est déjà pas mal 🙂

Entretien mené par Archibald
Remerciements à Paul Stasse & ACMG

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