Juin 2022
Claude Labeeuw
Claude Labeeuw, COO de Brody, parle avec humilité de ses expériences privées et professionnelles, et de la façon dont il place l'aspect humain et contextuel au centre de son style managérial.
Octobre 2022
Aujourd'hui, Head Of Real Estate @ EPEA Benelux, Michaël veut améliorer le secteur immobilier en préservant l’environnement, les ressources et l’énergie. Il raconte comme il se renouvelle sans cesse pour échanger, expérimenter et structurer ses connaissances dans le but d'avoir un impact le plus large possible !
Peux-tu me décrire ta fonction actuelle et en quoi elle consiste ?
Je suis Managing Director de la société EPEA, part of Drees & Sommer. Je suis coresponsable pour l’Europe du département durabilité et économie circulaire de la société dans le secteur de l’immobilier. J’accompagne le développement de Madaster en Belgique, et je suis dans le management board de Drees & Sommer Belgium.
Mon rôle est d’accompagner les différents intervenants d’un projet (investisseurs, développeurs, constructeurs, facility manager, etc.) dans les volets ESG, taxonomie européenne, réduction de l’empreinte carbone, circularité, durabilité, obligations et contraintes en immobilier.
Tu es spécialisé en durabilité et économie circulaire depuis de nombreuses années. Comment as-tu été porté vers ce domaine totalement innovant à l’époque ?
C’est la volonté d’avoir un travail qui a de l’impact qui a déclenché mon passage vers ce domaine.
J’ai toujours été hautement préoccupé par le comment améliorer la société en préservant l’environnement, les ressources et l’énergie. En Belgique, le panorama architectural était assez pauvre face à ce que j’attendais passionnément de l’architecture, et la question du développement durable n’était pas encore une priorité. Je suis donc parti chercher ailleurs. C’est en Espagne que j’ai trouvé une dynamique très intense, avec des architectes qui allaient très loin dans l’innovation durable, et j’ai contribué au développement d’un bureau pionnier : ecosistema urbano.
Mais ce qui a profondément modifié mon parcours, et qui m’a redirigé vers la Belgique, c’est ma rencontre provoquée avec Steven Beckers. Nous avons lancé notre société « Lateral Thinking Factory » pour contribuer à améliorer l’habitat humain par la mise en œuvre de l’économie circulaire. L’intégration du « cradle to cradle » en durabilité m’a permis de développer une première activité de conseil qui était éminemment précurseur à l’époque mais aussi difficile à comprendre, à implémenter et à obtenir des résultats (car on ne parlait pas encore d’économie circulaire en 2011).
C’est cette rencontre, associée à mon désir d’entreprendre, qui m’a porté vers cette activité aujourd’hui critique pour l’ensemble des secteurs de la société.
Comment as-tu réussi à mettre tout cela en place sans formation circulaire ?
Il n’y a effectivement pas de formation à ce stade. S’il y en a, c’est souvent orienté sur la mise en place de « modèle économique » en entreprise mais pas au niveau de la construction ni au niveau du développement d’une vision croisée entre les différentes expertises du carbone, économie circulaire, certification environnementale, énergie, etc.
Je suis passé par du développement sur le tas et sur des projets, mais aussi par de nombreuses recherches et des échanges de savoirs. Suite à « Lateral Thinking Factory », nous avons eu la chance d’entrer en discussion avec Drees & Sommer pour renforcer la confiance du client au sein d’une entité et pour grandir en compétences au sein des autres projets. Ça a été bénéfique d’avoir des collègues qui ont les mêmes types de questionnements pour développer les outils, les connaissances et les process.
Nous avons passé beaucoup de temps à faire de nombreux essais. Il est temps de prendre des décisions, de structurer et de formater les connaissances pour que nous puissions avoir un impact beaucoup plus large !
C’est grâce à certains projets que nous développons, comme le projet le ZIN porté avec Befimmo, qui permettent de démontrer en interne que certains projets sont réalistes et que les utilisateurs et les propriétaires sont en demande d’aller plus loin. La durabilité est un secteur fortement décrié par la construction qui n’évolue pas et qui reste un milieu où la rentabilité est le maître mot. Mais on voit ces deux dernières années qu’il y a une forte évolution dans tous les acteurs de l’immobilier, il y a beaucoup de questionnement et beaucoup de personnes veulent faire quelque chose.
Ta formation en architecture est-elle une plus-value dans ton métier actuel ?
Même si je n’exerce plus le métier d’architecte aujourd’hui, il m’a formé à la coordination, la planification, et la gestion d’un projet. Cette formation fait clairement la différence par rapport à un consultant formé uniquement à l’environnement ou sur les thématiques du carbone, car il lui manque la vision d’ensemble : comment cette exigence carbone ou contrainte carbone va s’inscrire dans le métier de la construction ?
Quand tu as démarré ta formation en architecture, avais-tu déjà une idée de comment tu avais envie d’intervenir ?
J’avais envie de faire des choses exceptionnelles. Ça c’est clair. Transmettre une planète meilleure pour tout le monde a toujours été un objectif.
Faire des choses qui ont un impact et dont je suis fier.
Dans le travail, ma timidité me motive à me dépasser pour prendre des fonctions de manager, pour prendre la parole dans des grands groupes, pour donner des conférences. Je veux prendre une place, être fédérateur, être quelqu’un qu’on écoute et établir un climat de confiance. Mon ambition est de foncer sur des choses qui font sens. Ça me donne beaucoup de satisfaction de pouvoir expliquer aux gens ce qu’on fait, comment on l’a fait et que c’est possible ! Depuis jeune, c’est la direction que je voulais prendre.
Aujourd’hui, tu as une fonction de manager. Est-ce que cela te laisse le temps d’être dans l’opérationnel et de participer à toutes ces réflexions concrètes du métier ?
Oui. Chez Drees & Sommer, quand on est manager, on n’est pas à 100% dans la gestion managériale. On a l’obligation de garder un pied dans les projets pour garder le contact avec les clients, la réalité du terrain et pour pouvoir encadrer correctement les équipes.
Quels sont les moments clés de ton parcours qui t’ont permis d’être la personne que tu es aujourd’hui ?
Mon enfance a eu beaucoup d’influence. Je viens d’une famille immigrée qui a fui un pays par manque de travail et de ressources. Reconstruire et développer quelque chose dans un autre pays est mon point de départ pour aller plus loin.
Mon histoire me pousse constamment à aller plus loin et ne pas m’installer dans quelque chose de confortable.
Ensuite, j’ai passé beaucoup de temps à provoquer les rencontres et les évènements qui jalonnent mon parcours. Ça n’a pas toujours fonctionné mais mon épouse, mes rencontres avec Mathieu Bonin, Peter Mösle, Maximilien Ast, le fait d’être là où je suis aujourd’hui… ont toujours été motivés par une recherche constante d’y arriver. Je n’ai pas l’impression que ce soient des accidents de parcours ou de la chance.
Cette manière de fonctionner fait partie de mon métier : on n’arrive pas à développer quelque chose si on n’est pas moteur de ses décisions et que l’on ne va pas vers les autres pour trouver des solutions qu’elles soient personnelles, privées ou professionnelles.
Quelles sont tes valeurs de vie et de travail ?
Générosité, confiance et rigueur. Un peu trop 🙂 Je dois apprendre à être plus flexible sur certains détails. Je suis ambitieux dans le travail.
Quel type de manager es-tu ?
J’ai beaucoup d’attente pour moi-même et pour les autres. Puisque je n’ai aucune formation directe, je lis beaucoup, j’observe et tente d’améliorer constamment mes compétences pour être sûr que l’équipe fonctionne bien, que chacun trouve sa place, s’y sente heureux, respecté et ait tout pour se sentir efficace.
As-tu dû prendre des risques pour en arriver là aujourd’hui ?
Oui, tout le temps. J’ai pris constamment des risques car je n’avais jamais de garantie de réussite. J’ai changé de pays, de travail, lancé des projets, démarré dans des positions sans aucune garantie… Actuellement encore, j’ai démarré chez Drees & Sommer pour porter cette économie circulaire en Europe mais je n’ai pas de garantie de pouvoir le faire. Je dois construire les connaissances, les connexions, les projets pour convaincre le marché, les donneurs d’ordre, les intervenants, les collègues… Il y a beaucoup de risque mais c’est là où je me sens extrêmement confortable.
Qu’est-ce qui pour toi constitue un échec dans le travail ?
Une personne de l’équipe qui s’en va… Je le vis comme un vrai échec.
Tu es quelqu’un qui travaille beaucoup, comment te ressources-tu ?
Je voyage beaucoup pour aller voir des amis de mes vies précédentes ou la famille. Parfois tout près, parfois très loin. C’est là où je me revigore pour pouvoir continuer à avancer.
Au quotidien, j’ai mis en place des routines pour mes longues journées qui me permettent d’allier travail et famille. Je me lève très tôt, je vais au bureau pour traiter les affaires compliquées et organiser ma journée. Je reviens ensuite déjeuner avec ma famille. Cela me donne un meilleur contrôle de ma journée et me permet de gérer toutes les sollicitations dans le travail. Je travaille énormément la semaine mais mes weekends sont sacrés.
De quoi es-tu le plus fier dans ton parcours ?
Avec mes anciens associés, nous avons souhaité lancer une activité concrète dans le domaine de l’économie circulaire. Nous avons lancé une ferme aquaponique de 2.000m² sur la toiture des abattoirs d’Anderlecht pour une raison assez simple qui est que nos clients n’y croyaient pas.
C’est le projet dont je suis le plus fier en tant qu’entrepreneur, étant donné que c’était une activité hors de ma formation. Nous avons lancé une unité de production de poissons et de plantes que nous vendions au supermarché, avec un acteur qui nous louait l’espace et qui attendait des résultats… C’était dingue. Trouver des investisseurs et dessiner des business plans m’ont renforcé en tant que consultant.
Qu’est-ce qui te déplait le plus dans le métier ?
Au-delà des difficultés pragmatiques et de la lenteur des projets lié aux processus décisionnels des métiers de la construction, je pense que notre métier manque de cadre. On passe beaucoup de temps à expliquer au lieu de faire. On nous sollicite beaucoup pour trouver des solutions mais la demande initiale n’est pas claire. Nous devons éduquer sans cesse les gens parties prenantes pour qu’elles aient une vision claire dans leurs objectifs : les acteurs, les instances publiques, les politiques, etc. Le message doit être clair et les décisions prises doivent permettre à notre travail d’être perçu comme étant qualitatif. Le risque est la perte de confiance dans notre apport. Sans la confiance du client et des gens autour de la table, on n’a plus aucun pouvoir.
Comment vois-tu l’évolution de ton métier et du secteur ?
Nous sommes fortement préoccupés par la logistique, les matériaux, les usines qui ferment, la difficulté d’approvisionnement, les sècheresses, etc. C’est préoccupant à très court terme.
A moyen terme, puisque l’environnement est central dans tous les projets, et qu’il est le centre de développement de notre entreprise, c’est extrêmement positif. Chez Drees & Sommer, on est constamment porté vers l’innovation, les nouvelles tendances, les changements de société, etc. C’est pour cela que nous intégrons très tôt l’économie circulaire, le BIM, le Lean management… On sent les besoins des clients, on investit dans le développement de ces compétences et dans les outils qui y sont associés. Je me sens aligné à l’entreprise car son organisation me permet de rester agile et flexible pour avancer dans une direction qui répond aux attentes du marché, des clients et aux valeurs des collaborateurs. Nous avons la capacité de nous renouveler constamment.
Le projet ZIN par exemple, ouvre des champs de nouvelles expérimentations, de propositions de valeur, permet d’apprendre très vite et de faire avancer les recherches dans d’autres pays et secteurs.
Si tu avais un conseil à donner aux jeunes qui débutent dans le métier de la consultance en environnement, quel serait-il ?
De commencer par voyager. Dans mon équipe, je recherche des collègues qui ont comme point commun d’avoir un parcours riche derrière eux, qui ont quelque chose à raconter et qui transmettent leur passion. Il faut avoir une expérience sur le terrain pour être crédible dans son for intérieur et être sûr que son attitude et ce que l’on transmet va dans la bonne direction.
Avoir confiance et donner confiance sont la base de notre métier.
Ensuite, je conseillerais de travailler sur des projets compliqués dans lesquels il y a du challenge car cela développe une capacité à être très rapide dans les réflexions et les connexions, et de pouvoir réagir très très vite aux questions posées et aux pistes à tester. Un consultant en environnement est quelqu’un qui va analyser une question, la décrypter, imaginer différents scénarios et variantes, pour définir quelle est la feuille de route à suivre, et tester encore certaines choses. Il faut s’engager là-dedans sans craindre de ne pas savoir exactement où on va. Il faut faire confiance aux autres acteurs de la construction, du développement immobilier et de l’investissement qui ont également leurs compétences et leur bagage à transmettre, pour réussir à travailler de manière coopérative. Puisque dans ce domaine, il n’y a pas de réponse toute faite, il est essentiel que le consultant en environnement ait acquis cette vitesse d’analyse et être force de proposition.
En guise de conclusion, quel est ton grand challenge professionnel et personnel ?
Mon grand challenge professionnel est de comprendre comment adapter mon management de proximité à un groupe plus large, dispatché dans différents pays et travaillant sur des thématiques diverses et variées. Mon ambition est de transmettre ce que nous faisons en Belgique à travers un pôle de connaissances et de formations pour nos équipes travaillant à l’étranger. L’objectif étant de développer nos connaissances, de créer des liens et des connexions pour permettre de travailler ensemble sur de grands projets pour des clients ambitieux.
Quant à mon objectif personnel, je pense sans prétention en avoir déjà accompli beaucoup. Je suis là où je veux être. Gérer le départ des enfants restera un challenge. Se retrouver à deux après une étape aussi intense, ça se prépare. 🙂
Interview réalisée par Archibald & C°
Merci à Michaël Moradiellos & Drees & Sommer
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