Maxime, peux-tu me décrire ta fonction actuelle ?
Je suis le CEO d’Alphastone, une société de développement immobilier et de private equity visant les sociétés actives dans l’immobilier. Plus précisément, nous avons des prises de participation dans des sociétés externes, qui sont elles-mêmes actives dans l’immobilier. Mon rôle principal est d’être un actionnaire actif, de monter les opérations, d’aider à la croissance des sociétés dans lesquelles nous avons investi ou dans le développement des projets immobiliers que nous avons achetés.
Comment est née l’idée Alphastone ?
J’ai lancé Alphastone il y a six ans. J’étais déjà actif dans le secteur de l’immobilier depuis 20 ans, j’y ai construit mon réseau, mes compétences et mes connaissances. Mais je voulais lancer une nouvelle activité en lui donnant un nouveau sens. Le monde évolue plus vite que jamais et l’immobilier doit suivre ces tendances. Nous nous inscrivons dans les nouvelles manières de vivre, de travailler et de consommer dans des centres urbains. Dans cette démarche, nous voulons offrir une plus-value sociétale en étant proches des personnes ou des sociétés qui vont utiliser notre immobilier. C’est un modèle hybride investisseur/opérateur où une grande importance est donnée à la technologie, au service et au partage des espaces.
À l’origine, ce que j’ai voulu développer, c’est une philosophie d’investissement.
Celle- ci s’adapte en fonction des opportunités qui se présentent et des nouvelles tendances qui se créent. Notre philosophie reste la même, la classe d’actif ou nos critères d’investissements peuvent varier.
Quelle est ta formation initiale ?
J’ai un master de l’ICHEC, n’étant qu’une partie de ma formation académique. Lorsque je suis entré chez ING, j’ai eu la chance de suivre leur High Potential Program. Ce programme m’a permis de voyager de département en département et d’apprendre à connaître toutes les activités de la banque. Cette formation reçue dans le secteur financier équivaut selon moi à mon bagage académique. C’est là que j’ai appris à monter des projets complexes. J’ai donc commencé ma carrière à la banque, même si à la fin de mes études, j’aurais déjà pu commencer directement dans l’immobilier.
Sans regret ?
Aucun ! Pour deux raisons. La première, c’est que cette formation était vraiment excellente. La deuxième, c’est que le monde de l’immobilier était en pleine transition lors de mon arrivée. Un ami qui était dans le secteur m’a dit : « Écoute, les transactions deviennent de plus en plus complexes, et l’ancienne génération ne s’adapte pas aux nouvelles compétences nécessaires. Je pense qu’il y a beaucoup de potentiel pour toi… ». Cela faisait trois ans que j’étais à la banque et j’ai senti qu’il y avait là une opportunité énorme.
Qu’est-ce qui t’attirait dans l’univers de l’immobilier ?
Je suis quelqu’un de pragmatique et intéressé par les produits et montages financiers. L’immobilier rassemble tout cela : tu participes au développement concret de la ville ET tu fais des montages financiers. Les dimensions que nous apportons à l’immobilier – sociétale, humaine, le sens qu’on donne aux opérations – tout cela est capital mais l’essentiel reste la plus-value financière à réaliser.
L’immobilier est un produit financier, comme le sont les actions et les obligations.
Tu es donc entré chez Jones Lang LaSalle. Quelle était ta principale activité ?
Les Capital Markets, autrement dit une activité de conseil aux institutionnels sur d’importantes opérations d’achat et de vente dans le marché immobilier belge et luxembourgeois. Pour l’anecdote, quinze jours après mon arrivée dans le European Business Team à Londres chez Jones Lang, mon équipe a remporté la vente du portefeuille immobilier de la Royale Belge ! J’étais tout jeune dans l’activité, mais je parlais le français, le néerlandais, j’étais le seul local… Deux semaines après ma prise de fonction à Londres, je me suis donc retrouvé à Bruxelles en tant qu’expatrié… C’était une transaction importante, ça a été un tremplin et une très chouette expérience. C’est ainsi que j’ai commencé ma carrière dans le conseil à l’investissement.
De là, tu es allé chez CBRE
Oui, CBRE était réellement le challenger hors du top 5, nous étions une quinzaine de personnes : l’état d’esprit était complètement différent. J’ai connu toute l’évolution de CB, l’agrandissement de l’équipe investissement, l’internationalisation des sociétés de conseil, le développement de tous les services, et, finalement, notre rôle de leader sur le marché.
C’était déjà une expérience de type entrepreneurial, non ?
Oui, même si je n’en avais pas l’initiative, j’ai accompagné le développement du département investissement. Je me souviens de certaines années où mon équipe, à elle seule, réalisait pour plus de deux milliards et demi d’euros d’immobilier. On était tous de jeunes gars entre 25 et 30 ans… On avait le bon esprit. C’étaient de très, très belles années et j’en garde un excellent souvenir. Les personnes qui travaillaient avec moi ont également pris goût à cette croissance et à cet esprit d’entreprendre. Le marché était propice et ça créait un engouement. J’ai l’impression qu’on a vraiment créé une génération d’entrepreneurs. Plusieurs d’entre eux font aujourd’hui partie des grands acteurs du secteur.
Et à quel moment t’es-tu dit : « OK, maintenant, c’est bon pour moi, j’y vais » ?
Bonne question. [silence]. Il y a eu deux éléments. D’abord, la volonté d’entreprendre. Elle était déjà assouvie chez CBRE, de par ma responsabilité du département Capital Market et un rôle plus large dans le Comité de Direction. L’autre élément, c’était la volonté de donner plus de sens à mon activité. Je m’occupais de transactions de référence dont les montants sont énormes, mais peu d’émotions, peu d’humain… Entendons-nous bien, je garde des souvenirs extraordinaires de cette période, j’en ai même remis une couche chez Cushman & Wakefield mais je n’ai aucun regret d’avoir changé pour mener des opérations différentes et développer ma vision. C’est peut-être aussi une question d’âge. Quand j’ai créé Alphastone, jeune quarantenaire, je pouvais compter sur mon réseau, mes acquis, ma réputation. C’est important, avant de lancer une activité, d’avoir ce bagage. Le timing était bon.
Dirais-tu que certaines rencontres ont influencé ton parcours et tes décisions ?
Oui, bien sûr. Je pense aux gens avec lesquels j’ai travaillé, qui avaient beaucoup d’ambition, cette fibre d’entrepreneur et cette volonté de créer. Mais je pense également à mes rencontres avec les promoteurs immobiliers. L’une de mes spécialités, c’étaient les ventes en état futur d’achèvement (vendre les meilleurs projets immobiliers avant même que ceux-ci soient construits, un contrat à terme autrement dit). Pour monter ce type de transaction, je faisais le lien entre le marché de la promotion et celui de l’investissement, des institutionnels, des fonds de pension et les banques.
Mais la rencontre des promoteurs, ça a été une sorte de révélation.
Ce sont des personnes pour lesquelles j’ai beaucoup d’admiration.
Plus récemment, les fondateurs de Silversquare, le CEO de Mundo-Lab Frederic Ancion et nos échanges entre les membres du conseil d’administration de Cohabs, mené par Gilles Samyn, ont été une source d’inspiration
Pourquoi ?
Ce sont des personnages hauts en couleur, de vraies personnalités. Des entrepreneurs à l’état brut. Ils m’ont marqué, inspiré, nous avons beaucoup échangé. À leur contact, j’ai appris à discerner ce qui faisait que je les admirais, et aussi ce que je voulais éviter. Leur exemple me sert à la fois de modèle et de garde-fou.
Alphastone, c’est une initiative que tu as démarrée seul ?
Oui, absolument. L’un des éléments de mon business model est de garder la structure la plus légère possible et d’avoir des partenaires, des associés pour chaque opération. Mes associés disposent de compétences et de ressources que je n’ai pas et j’apporte ma pierre à l’édifice. C’était réfléchi dès le départ, je voulais rester agile. En résumé, Alphastone est une petite structure en terme d’employés, mais une assez grande structure au niveau du nombre de projets immobiliers et associés impliqués.
Je suis extrêmement investi dans les projets. Chaque fois qu’il y a une acquisition, je suis impliqué. Si j’ai une question, je me repose sur les quarante ou cinquante personnes qui sont derrière moi, mais elles ne font pas partie d’Alphastone. C’est une grande richesse, parce que chaque projet me donne l’occasion de travailler avec des partenaires différents.
Quelle est la pierre que tu apportes à l’édifice ?
Je pense que ma valeur ajoutée est restée la même, c’est ma capacité à monter les projets en acquisition. Premièrement, les identifier, deuxièmement, avoir une vision et créer un concept autour de ce projet, trouver les bons partenaires (opérateurs, financiers, banque, locataires, entrepreneurs). Il faut créer le bon mix, et ensuite créer la bonne structure juridique et fiscale, pour que le projet ait du sens. Ça, c’est ma première contribution. Ma deuxième, c’est mon expérience. Mais mon input se fait principalement au début du projet. Je ne fais pas de promotion immobilière pure, d’autres font ce métier bien mieux que moi. Ils disposent d’une structure bien plus importante et c’est leur seul focus. Mon métier est différent, même si, dans le cadre de mes activités, je fais également de la promotion. Je me définirais plutôt comme « investisseur hybride à valeur ajoutée ».
Alphastone est une boîte à outils, en somme ?
Exactement ! En fonction du projet, Alphastone joue avec ses curseurs pour déterminer le montage idéal. Puis, on détermine le type d’association et de partenaires. J’utilise mon expérience et mon réseau pour utiliser au mieux la structure d’Alphastone et sa capacité d’investissement. Pour chaque projet, on retrouvera la philosophie d’investissement que j’ai définie au départ.
Tu peux me donner un exemple concret ?
Dans tous les projets, nous sommes proches de l’opérateur, de l’utilisateur final de notre immobilier.
Par exemple, le projet de logements sociaux, je l’ai structuré en négociant avec les banques, entrepreneurs, architectes avant de l’acquérir avec une AIS (agence immobilière sociale). L’AIS s’est engagé avec nous sur le très long terme. Nous avons ainsi créé un réel partenariat, une gestion et des services locaux, développé un produit immobilier idéal pour l’investissement particulier et apporté une plus valus sociétale en mettant 140 logements sociaux sur le marché par une initiative 100% privée. Parfois les gens ont du mal à comprendre l’étendue de nos activités, mais ils retrouveront toujours notre philosophie d’investissement.
Tu dis « nos activités », qui est le « nous » ?
Je dis « nous » pour ne pas avoir l’air arrogant… [rires]. C’es souvent… « moi ».
Tu sais que beaucoup de gens décrivent Alphastone comme un one-man-show. Tu confirmes ?
Je pense qu’il faut regarder la valeur ajoutée de l’ensemble des associés et des partenaires qui se trouvent dans les différents projets d’Alphastone.
Alphastone n’a d’existence que par les projets qui la constituent.
Et les projets qui constituent Alphastone ont de l’existence grâce à moi, mais surtout grâce aux partenaires qui en font partie.
A côté de cela, je dois remercier mes partenaires financiers, la famille Appelstein, qui ont cru dans le développement de cette vision de l’immobilier. Ces partenaires sont également de grands entrepreneurs, de grands hommes et partagent ma passion de l’immobilier.
Ça te gêne d’être identifié comme seul acteur au sein d’Alphastone ?
Je pense qu’une de mes grandes qualités, c’est ma capacité à m’associer, à trouver des accords, à travailler avec d’autres, qui ne font pas partie de ma structure.
Je n’aurais jamais l’arrogance de dire que la réussite de Cohabs, c’est le one-man-show de Maxime Xantippe. Non. Une des composantes d’Alphastone, c’est Cohabs, mais Cohabs, est une réussite grâce aux fondateurs et aux partenaires qui la composent. Et ce qui est vrai pour Cohabs est vrai pour tous mes autres projets.
Selon toi, quelle est la compétence essentielle pour bien performer dans l’immobilier ?
Peu de gens oseront le dire, mais je dirais l’opportunisme. Il y a un côté très positif à l’opportunisme. Je ne suis pas un « faiseur de coups » comme peuvent l’être de purs développeurs pour qui l’opportunisme est essentiel. J’ai une autre démarche. L’opportunisme, c’est aussi identifier les tendances et faire des opérations qui s’inscrivent dans cette tendance tout en s’y insérant le plus tôt possible.
Par exemple, lorsque nous avons investi dans l’opérateur de coworking Silversquare, le concept n’était pas établi, le partage des bureaux avec différentes sociétés dans le même espace était loin d’être une manière de travailler établie. Nous ne sommes pas à la source, mais c’était une tendance toute récente que nous avons flairée très tôt. Aujourd’hui, elle représente une part considérable de l’activité immobilière et est devenue un produit institutionnel. C’est ça aussi, l’opportunisme.
Pourrait-on parler plutôt de flair ?
C’est vrai. C’est peut-être bien le mot juste ! Merci ! Je ne peux pas encore en parler, mais je pense avoir identifié la tendance suivante. C’est quelque chose qu’il faudra, encore une fois, expliquer au marché, et c’est plus du flair que de l’opportunisme, tu as raison.
On entend peu parler de toi et d’Alphastone. C’est une volonté, ça ?
Oui, absolument. Comme tu auras pu le constater, mon site n’est pas très abouti, il est même franchement mauvais, tout comme la présence d’Alphastone dans les réseaux sociaux. Alphastone n’est que le résultat de ses composantes. Et ce sont les composantes d’Alphastone qui sont importantes. Je communique très peu, je ne suis pas sur les réseaux sociaux ou très peu, et mon site Internet, je n’ai pas le temps de m’en occuper. C’est l’activité de mon partenaire qui compte. Moi, je suis une sorte de chef d’orchestre, c’est le virtuose qui est la star et qui doit se trouver sous le projecteur.
Comment vois-tu l’évolution du secteur immobilier dans les années à venir ?
Je considère qu’il a un potentiel incroyable, extrêmement excitant. Il est en pleine évolution. Comme mon terrain de jeu, ce sont les nouvelles tendances, dès qu’il y a quelque chose de nouveau, je considère que ça fait partie des choses auxquelles je dois m’intéresser. Donc, l’évolution restera palpitante et excitante. Attention, il y a aussi des risques. On peut se tromper. Et ce n’est pas toujours le premier arrivé qui réussit.
Quelles sont les perspectives ?
Elles sont bonnes. Dans cette conjoncture de taux bas et d’inflation, il y a peu d’alternatives. La masse monétaire qui a été créée ces dernières années viendra renforcer la valeur de la pierre et de sa valeur refuge. De plus, l’immobilier connaît une évolution importante du point de vue écologique, technologique et humain.
Il n’y a jamais eu une période aussi excitante pour faire de l’immobilier qu’aujourd’hui.
Parce qu’il est en changement, alors que cela a été un secteur assez immobile pendant de nombreuses années. Il y a aussi toute cette réflexion au sujet de l’association de l’immobilier et du service, de la dématérialisation, ce qui est, selon moi, révolutionnaire (« Space as a service »). Et quand je vois les avancées technologiques que nous avons déjà développées dans le cadre de notre immobilier, c’est énorme.
Quel est ton prochain grand challenge ?
[Silence] Je suis un peu comme un surfeur, mon objectif est de ne pas rater la prochaine vague, et surtout, de ne pas se faire prendre par le rouleau. Dans l’immobilier, il suffit de se prendre une fois le rouleau pour que ce soit terminé, même si on a pris trois belles vagues avant, comme avec Cohabs qui marche du tonnerre. Je pense être sur une belle nouvelle vague qui me donne énormément d’énergie !
Quel conseil donnerais-tu à un jeune qui veut se lancer dans l’immobilier ?
Qu’il fasse ses marques auprès d’un acteur de référence. Qu’il apprenne, qu’il crée son réseau, qu’il construise des compétences auprès des meilleurs, et qu’il se lance par après. Une fois qu’il s’est lancé, s’entourer des meilleurs et de personnes complémentaires. Avoir la capacité de partager. C’est un gage de succès universel.
Tu crois que l’époque des cow-boys de l’immobilier est complètement révolue ?
Les cow-boys ont toujours existé, mais ils jouent dans leur cour. Si tu prends une autre voie, celle d’apprendre, de te faire une expérience, tu joueras dans une ligue qui les dépasse et qui les a toujours dépassés et dans laquelle les cow-boys ne pourront jamais jouer.
Voici la liste des anciens collègues CBRE de Maxime et autres amis promoteurs qui ont chacun poursuivi une aventure entrepreneuriale personnelle et réussie :
Interview réalisée par Archibald
Merci à Maxime Xantippe & Alphastone Investments